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pliqua le magistrat en regardant les deux jolies Béarnaises ; mais ce qui m’effraie, c’est que notre dîner est dédoublé.

— C’est vrai, dirent plusieurs voix, nous n’avons que la moitié des plats qu’on nous sert tous les jours.

— Quoi ! une seule entrée de veau et pas le plus petit morceau d’un excellent civet de lièvre dont j’avais senti le fumet en passant tantôt devant la cuisine, reprit la négociant breton.

Le tollé devint général quand on servit le rôti et les entremets sucrés ; deux poulets maigres remplaçaient les cailles et les perdrix rouges, et une fade marmelade de pommes l’excellent pudding sur lequel on avait compté.

— Allez dire à votre maître, s’écria le magistrat de Pau, en se tournant vers une des jolies servantes, avec le geste de Mirabeau à l’Assemblée Constituante, que la volonté de la majorité doit l’emporter sur le caprice d’une minorité tracassière !

— Bravo ! dis-je à mon tour, révoltons-nous, et qu’on nous donne au moins un flan à la vanille !

La petite servante, sans comprendre les paroles du magistrat, sortit pour avertir l’hôtelier que tous les convives étaient mécontents du dîner ; elle revint, apportant une tarte à la crème.