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ne s’est-elle endormie sous un de ces vieux cyprès ! Elle y eût été mieux que dans la fosse perdue et oubliée d’une grande ville. Je lui donnai un souvenir ému, et j’errai quelque temps au milieu des ossements qui çà et là jonchent le sol.

Je m’étais débarrassée de la gardienne du cimetière qui voulait m’expliquer les tombeaux ; je la retrouvai dans le petit domaine qu’elle s’est adjugé dans l’enceinte même ; elle étend son linge sur les cyprès funéraires et élève des bandes de canards qui vont butinant autour des fosses. Cette grosse femme vit là presque joyeuse.

J’entendis la voix du conducteur qui faisait l’appel des voyageurs. La nouvelle voiture était rechargée ; chacun reprit sa place ; le conducteur fouetta bruyamment ses chevaux qui s’élancèrent avec une vélocité aérienne, comme l’hippogriffe de Roland.

La route se bordait de peupliers et des champs de maïs couvraient la campagne. Quelques paysannes coiffées de fichus à carreaux rouges et jaunes noués de côté, marchaient pieds nus sur le grand chemin en poussant des ânes lourdement chargés ; les hommes avec le béret basque bleu foncé ou marron conduisaient de petites charrettes couvertes d’un dôme en toile écrue et traînées par deux bœufs au frein desquels s’agitaient des branches de feuillage qui chas-