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Depuis quelques années le monde de l’aristocratie des lettres et des arts se presse durant trois mois aux Eaux-Bonnes. Il y apporte et y trouve toutes les recherches du luxe et de la civilisation. Le temps n’est plus où Marguerite de Valois, après la captivité en Espagne de son frère François Ier, venait, accablée des fatigues et de la tristesse de son voyage à Madrid, demander la santé à cette eau bienfaisante. La princesse arrivait dans ce lieu sauvage à dos de mulet, et trempait au jet des Aiguos-Bonnos[1] qui sortaient fumantes du rocher, ses lèvres d’où découlèrent de si beaux vers :

                  Triste j’étois quand vous aviez tristesse ;
                  Si mal aviez on me yoyoit morir,

écrivait-elle au roi son frère ; après la mort de ce frère adoré, elle s’écriait énergiquement :

 
                  L’âpre morceau de mort veulx avaler !
                  L’âpre morceau de mort veulx savourer !

Montaigne et de Thou allèrent aussi de Bordeaux à petites journées, portés par de douces montures, boire à cette source dont ils ont parlé.

Pour le poète, la Naïade ainsi solitaire et livrant

  1. Eaux-Bonnes en Béarnais.