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chapelet de buis dans ses mains, gardien impassible du gouffre béant derrière lui.

Ce gouffre est riant, comme l’est toujours chaque lambeau de terre qu’une luxueuse végétation recouvre. Les grands arbres s’enchevêtrent sur cette pente rapide ; les touffes serrées de buis, de fougère, de bruyère rose et de roquette jaune en tapissent le sol et descendent jusqu’au lit du torrent où un faux pas dans l’étroit sentier pourrait vous faire rouler sur le feuillage glissant des arbustes. Mais née dans un pays alpestre que traverse la chaîne des Alpines provençales, j’ai contracté dès mon enfance l’habitude des hauteurs : j’avançai donc d’un pied sûr dans les défilés de rocs et de verdure, et après avoir tourné le sentier qui forme un coude au flanc de la montagne, j’aperçus de nouveau le Valentin qui bondissait en une chute moins haute que celle dont j’ai parlé, mais plus large et sur laquelle est jeté un pont de pierre conduisant au joli village d’Aas, groupé en face sur les fraîches pelouses de la Montagne verte.

Ce village est dominé par une église dont la cloche agitait en ce moment ses sons clairs et vibrants dans le calme de l’air. — Je vis s’avancer en face de moi, à pas précipités, un paysan chargé d’une grande hotte pleine de neige durcie qu’il venait de chercher