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au sommet du pic du Ger, et qui devait servir le soir à la confection des glaces et des sorbets. Tout à coup, au son de la cloche, le montagnard s’arrête et s’agenouille haletant sous le poids de sa hotte ; il joint les mains et se met en prière ; ses yeux se tournent vers le ciel et son visage exprime une extase si sincère que je n’ose l’interrompre et l’interroger ; ce n’est que lorsque son oraison est finie et qu’il se lève pour se remettre en route que je lui demande si c’est l’angelus qu’il vient de réciter.

— Non, madame, me répond-il en patois basque, Je viens de prier pour une âme qui s’en va, comme par toute la campagne on priera pour la mienne quand je partirai.

— Cette cloche de l’église du village d’Aas sonnait donc un glas d’agonie ? lui dis-je.

— Oui, madame.

Et comme je restai pensive songeant à cet usage touchant, il me crut frappée d’un peu de terreur et il ajouta :

— Oh ! que cela ne vous effraye pas ; vous n’entendrez jamais cette cloche aux Eaux-Bonnes.

— Et pourquoi donc, repris-je en souriant, est-ce qu’on n’y meurt pas ?

— Oh ! souvent au contraire, mais on y cache les morts, et avant que le jour ne se lève on va les en-