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terrer là-bas, au cimetière d’Aas, sans que les malades riches les aient vus et se soient même doutés qu’ils sont morts. — Car voyez-vous, madame, ajouta-t-il sous forme de réflexion, pour le riche c’est très-dur de mourir ; mais pour nous autres, pauvre monde, ce n’est rien ; il nous est bon de penser que nous serons mieux dans le paradis que dans cette vie. Puis, portant la main à son béret, il me salua, et, secouant son lourd fardeau, il se remit en marche rapidement.

Ce jour-là je ne poursuivis pas plus avant ma promenade au dessous de la gorge ombreuse au fond de laquelle coule le Valentin ; l’horloge de l’établissement thermal sonna quatre heures et m’avertit qu’il était temps d’aller boire ma dose d’eau. À ce moment de la journée, on rencontre toujours une foule parée sous les galeries qui conduisent à la bienfaisante fontaine de marbre blanc : on se salue, on échange les nouvelles des Eaux et celles reçues le matin de Paris. Les femmes se complimentent sur une robe et sur un chapeau ; c’est un défi de toilettes qui se continue à l’issue du dîner.

La Promenade horizontale devient, à cette heure où le soleil se voile, une sorte de Longchamp qui voit passer les modes les plus fraîches ; on dirait que les femmes, jalouses des grâces et de la beauté de la na-