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en face, à mes pieds, le village de Laruns, plus loin celui de Bielle et la route de Pau s’enfonçant dans la vallée charmante que j’avais suivie et décrite en me rendant aux Eaux-Bonnes.

J’étais si malade et si faible au commencement de mon séjour aux Eaux, que je faisais bien des haltes avant d’arriver au terme de cette promenade préférée. Tantôt je m’arrêtais sur un banc au soleil, tantôt je m’étendais sur une pente de gazon et je m’endormais presque, bercée par la brise chaude qui soufflait sur ma tête. Un jour, après une de ces crises de toux violente auxquelles succède un anéantissement qui fait croire à la mort et qui participe du calme qu’elle doit donner, je m’étais blottie entre une touffe de grand buis et une touffe de haute fougère sur le versant gauche de la route. C’est là que je composai les vers suivants, expression fidèle de la tristesse sereine qui m’envahissait :

Quand des grands pics brisés, tels qu’un monde en ruine,
Le Gave harmonieux tombe avec de longs bruits,
Et que l’air chaud du jour soulève des collines
La saine odeur des pins, des maïs et des buis,

Lorsqu’un soleil ardent jette ses étincelles
Sur la neige durcie à la cime d’un mont,
Et que sur ces hauteurs, semblant avoir des ailes,
Plane le berger basque un béret rouge au front,