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Témoins de ton angoisse et de ton agonie[1],
Ces lieux semblent garder quelque chose de toi ;
Et par une secrète et funèbre harmonie
Le mal dont tu souffris aujourd’hui brûle en moi.

C’est la même langueur dont je me sens saisie,
Apaisement du cœur, défaillance du corps ;
Et mon âme s’exhale en cris de poésie,
Comme faisait la tienne en suaves accords.

Je meurs en contemplant cette terre si belle,
Qu’avant de se fermer cherchaient tes yeux ravis,
Ce ciel, ces monts, ces bois, d’une sphère nouvelle
Semblent former pour moi le radieux parvis.

La pelouse fleurie est mon lit mortuaire,
Le torrent qui bondit, mon glas rafraîchissant ;
La nature vers toi m’emporte en me berçant,
Et du profond éther l’azur est mon suaire.

Quand je me sentais ainsi m’éteindre et mourir doucement, par un instinct propre à quelques hommes comme à quelques animaux, je souhaitais la solitude la plus absolue pour finir de vivre dans le recueillement et la paix. Insensiblement un peu

  1. Compositeur de musique distingué, M. Hippolyte Colet, est mort à quarante ans d’une maladie de poitrine.