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comme le gardien de la vallée d’Ossau, un mont gigantesque découpait dans le ciel les dentelures énormes de ses pics décharnés ; à ma gauche, le mont Gourzy couronnait son sommet de grands sapins qui s’échelonnent en pyramides ; puis, quand je me retournais de l’autre côté du kiosque, j’avais au-dessus, de ma tête le faite de granit du Pic du Ger, couvert d’une neige pure qui se confondait avec quelques flocons de blanc nuage nageant dans l’azur ; à mes pieds, entre les crevasses des rocs bouleversés jaillissent de petites cascades ou plutôt des courants d’eau qui servent de lavoirs aux blanchisseuses des Eaux-Bonnes ; de la hauteur où j’étais, à peine si on entendait monter par intervalles et par lambeaux quelques coups de battoirs et des fragments de complaintes chantées par les lavandières ; le linge blanc s’étalait sur les arbustes odorants et sur les pentes gazonnées ; il y contractait une saine et bonne odeur.

Les montagnes me parurent ce jour-là d’une beauté inaccoutumée ; la température était tiède, pas un souffle d’air n’agitait la cime des arbres ; il y avait dans l’atmosphère comme une quiétude qui me gagnait et me pénétrait de bien-être. Je ne souffrais plus ; je m’abandonnai longtemps à un ravissement qui ressemblait à une prière. Le jour décroissait,