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le capulet. Tandis que les jeunes danseurs continuent sans fatigue et à pas comptés leur ronde éternelle, de petits montagnards de huit à douze ans se hissent au haut du mât de Cocagne. Quand un enfant approche du but on entend de longues acclamations, mais toujours contenues ; on dirait que les paysans de ces contrées ont peur des cris ; la grandeur et la solennité des montagnes leur inspirent une gravité recueillie.

C’est un petit berger de dix ans, habitué à gravir jusqu’aux sommets des pics neigeux, qui décroche au faîte du mât le lapin et la montre : j’assiste à son triomphe de la fenêtre d’une chambre d’auberge où je suis allée m’accouder. Les danses continuent sans éclats de voix ; les cabarets sont pleins de buveurs silencieux dont on entend à peine le choc des verres. Le soleil se couche à ma gauche derrière les montagnes dont les cimes se perdent dans l’éther et qui semblent circonscrire la place comme les murs géants d’une citadelle formidable ; le ciel d’un azur profond forme une tente uniforme au-dessus de nos têtes.

Insensiblement la place se dépeuple de spectateurs ; les uns remontent en voiture, les autres à cheval ; on se reconnaît, on se salue, on repaît ensemble. Je ne sais pourquoi un impérieux désir de