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mouillés glissaient sur la planche ; mais en quelques secondes je fus à l’autre rive, où je continuai à suivre mon petit guide dans un sentier tracé dans le roc, et où nous perdîmes de vue le torrent ; mais j’entendais sa voix formidable, et bientôt il m’apparut sublime, se précipitant, en face de moi, d’un rocher nu et perpendiculaire que couronnaient quelques arbres qui découpaient la dentelure de leurs branches sur le fond du ciel. La masse d’eau, en se précipitant de cette hauteur, retombait en nappe neigeuse dont la poussière froide jaillissait jusqu’à moi ; l’eau, pulvérisée, s’engouffrait à mes pieds dans un lit profond qui s’encaissait tout à coup et semblait se perdre au fond d’un passage étroit et sombre entre deux masses granitiques aux parois desquelles poussent quelques arbustes épars suspendus sur le gouffre ; on dirait deux murs gigantesques abritant le fossé d’une citadelle fabuleuse.

Je restais là perdue dans mon étonnement et me rappelant un lieu à peu près semblable que j’avais vu à l’île de Wight, seulement ici la cascade était mugissante et courroucée, tandis que dans les chine anglaises[1] ce n’était qu’une eau tranquille qui glissait en nappe d’argent sur les parois de la montagne.

  1. Corruption du mot échine.