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Le site des Pyrénées l’emportait en grandeur sauvage. Éblouie par la beauté de ce tableau, je n’avais pas vu à mes pieds le tronc décapité du hêtre qui donne son nom à la cascade ; il était là étendant son squelette crevassé sur l’abîme : pas un rameau, pas une feuille ne restait au pauvre arbre ; c’était l’emblème de ce que nous devenons quand le tombeau a dissous nos chairs et notre chevelure. Ce grand débris d’arbre faisait mal à voir comme des débris d’ossements.

Je fus rappelée tout à coup à l’heure présente et à moi-même par un accès de toux violent et convulsif qui effraya mon petit guide ; je m’aperçus que la pluie avait pénétré mes vêtements et qu’il était temps de repartir. L’âne broutait paisiblement sur l’autre rive ; je traversai de nouveau le torrent sur la planche de sapin ; je grelottais de froid, et quand je fus sur ma monture il me sembla qu’un accès de fièvre allait me saisir. L’enfant, toujours courageux et attentif, se mit à courir dans le sentier, entraînant l’âne sur ses pas ; en quelques minutes nous fûmes devant la grange dont il poussa la petite porte basse.

— Eh ! quoi, personne ? lui dis-je en voyant la grange déserte au lieu d’y trouver le jeune montagnard que nous avions rencontré.