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moins, je l’interrogeai sur sa destinée ; il était orphelin ; il n’avait pas connu son père ; sa pauvre mère travaillait à la terre, portait les fardeaux de foin et de maïs coupés, ou les larges charges de bois mort qu’on allait butiner dans les forêts qui couvrent les monts ; un jour, il y avait de cela huit mois, elle fit un chemin trop long, toute courbée sous son fardeau trop lourd, elle prit une pleurésie dont elle mourut.

— Quand le prêtre l’eût administrée, me dit l’enfant, elle pleura beaucoup en m’embrassant ; elle me dit : « Fais comme les autres, mon petit, si tu souffres trop dans le pays, maintenant que tu n’as plus de mère, pars pour l’Amérique. »

— Pour l’Amérique ?

— Oui, madame, pour un endroit qu’ils appellent la Plata. Ils sont partis six cents il y a un an[1] et il y en avait beaucoup d’aussi jeunes que moi.

  1. Le préfet des Basses-Pyrénées vient d’adresser à M. le ministre de l’intérieur un rapport relatif à l’émigration qui enlève au département des Basses-Pyrénées une grande partie de la population basque. Elle témoigne un goût de plus en plus vif à s’éloigner du pays natal pour aller chercher au-delà des mers une nouvelle patrie. Ainsi, dans le seul mois de septembre 1857, on a constaté cinq cent soixante-quatre émigrants, tous pour la Plata.