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— Quoi ! vous quitteriez ce beau pays, ces jolis villages, ces cascades, ces pics couverts de bois qui ont vu passer votre pauvre mère ?

— Et qui l’ont tuée, répliqua l’enfant avec tristesse ; à présent, madame, vous voyez la terre belle et gaie ; mais en hiver c’est autre chose, il y a bien de la misère ici pour le monde.

— C’est donc bien décidé, vous émigrerez, mon petit ami ? Il secoua la tête.

— Non, cela me ferait quelque chose ; puis un de mes oncles qui a été à la guerre, m’a dit que c’était mal de me laisser embaucher, et que ma mère avait le délire quand elle m’a dit de partir ; je resterai, et sitôt que j’aurai l’âge je me ferai soldat.

— Et en attendant ?

— Je continuerai à servir la femme qui loue les ânes et les chevaux quoiqu’elle ne soit pas trop bonne et nous mène aussi dur que ses bêtes. Cette nuit elle m’a fait promener, sur la route des Eaux-Chaudes, un cheval malade pendant quatre heures, parce qu’on lui avait dit que cela le guérirait ; quand je suis allé me coucher je tremblais la fièvre.

Tandis que mon petit guide me contait ses peines nous cheminions toujours vers les Eaux-Bonnes ; nous nous trouvions dans la partie la plus pittoresque de la route, lorsqu’au détour d’un grand rocher,