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s’y arrêter longtemps. Nous en sortîmes tout frissonnants, et l’air du dehors nous parut brûlant.

De retour aux Eaux-Chaudes, nous remontâmes bien vite en voiture pour arriver avant la nuit à la Vallée de Gabas. Nous traversâmes le pont d’Enfer jeté sur le Gave aux rives sinistres ; là, les ondes tumultueuses ont des mugissements plus formidables ; on dirait l’embouchure du fabuleux Achéron. Nous étions toujours emprisonnés entre deux hautes chaînes de montagnes dont l’aspect variait à mesure que nous avancions ; elles formaient d’abord des gradins escarpés étalant leurs roches nues ; plus loin, elles se dressaient en terrasses supportées par des assises de granit et toutes revêtues de draperies de verdure ; c’étaient ensuite des masses informes que le froid et la foudre semblaient avoir dénudées ; à ces roches pelées en succédaient d’autres couvertes de forêts de hauts sapins dont les têtes noires se découpent sur la transparence de l’air ; les plus vieux sont tombés aux pieds des autres, abattus par la main du temps ou l’emportement de l’avalanche ; ces bois sombres sont zébrés de grandes lignes d’argent, formées par de petits torrents écumeux qui bondissent des hauteurs jusqu’à la base de la montagne. C’est là une partie des Pyrénées vraiment sublime.

Nous voici arrivés au petit hameau de Gabas,