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je fus lancée sur les pierres tranchantes. J’eus une sensation horrible ; il me sembla que mes entrailles sortaient et que ma vie s’échappait avec elles. Puis je n’eus plus aucune perception de ce que je devenais et de ce qui m’entourait ; j’étais tombée dans une syncope complète. Quand je revins à moi j’avais une blessure profonde à l’aine et d’affreuses meurtrissures noires. Les compresses froides dont on m’avait enveloppée me rendirent ma toux ; tout mon mal semblait revenu ; je retombai dans les langueurs funèbres des premières jours, plus douloureuses et moins résignées.

L’intérêt empressé de la petite population des Eaux-Bonnes et de tous les étrangers distingués qui y restaient encore, s’attacha à ma souffrance, et à chaque pas que je faisais en me traînant dans la campagne quelque bonne parole venait à moi ; je reçus les soins les plus assidus de l’excellent docteur Briau, de M. Liouville et de M. Jules Joannet, ancien élève de l’École polytechnique et professeur à l’École navale de Brest. Ce dernier me distrayait durant mes heures d’inaction par ses attrayantes causeries. Mais chaque jour la vallée des Eaux-Bonnes se dépeuplait ; tous les buveurs d’eau étaient partis ; je restais une des dernières. Je comptais les jours, je me demandais avec anxiété quand je pourrais sup-