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gueur de cette route mouvante, qui craquait et gémissait sans cesse, s’étendaient trois rangs de fortes solives formant trois routes distinctes ; celles du milieu divisée en deux pour l’aller et le retour des montures et des attelages et celle de chaque côté pour les piétons. Le mouvement qui régnait sur ce pont primitif était inouï, c’était comme une veine énorme d’où s’échappait la vie joyeuse et affairée du peuple basque. Les fumeurs s’y promenaient, les porteurs d’eau s’y précipitaient à la file allant à Saint-Esprit puiser l’eau d’une fontaine renommée ; des bandes de Juifs accouraient à Bayonne à l’heure de la Bourse ; des réfugiés espagnols passaient gravement enveloppés dans leurs manteaux sombres ; puis, venaient des Basques dans leurs costumes pittoresques, des jeunes filles agaçantes vêtues à la béarnaise, et d’autres portant sur leurs noirs cheveux le fichu coquettement noué vers l’oreille. En quelques heures, sur ce vieux pont, trop étroit pour le mouvement des deux villes, défilaient tous les types de cette population mêlée des frontières de France et d’Espagne.

On se prend à regretter ce pont si pittoresque, comme quelques Parisiens regrettent encore la vieille galerie de bois du Palais-Royal.

Aujourd’hui le large pont de pierre est moins en-