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viennent parfois s’abriter dans cette grotte avec leur troupeau.

Je fus charmée de la trouver déserte lorsque j’y arrivai ; je laissai le guide à l’entrée et je m’assis dans un enfoncement d’où je voyais se dérouler la mer. Les vagues caressaient à peine le sable de la plage ; le flux ne devait remonter que le soir ; je pouvais donc m’oublier là de longues heures me reposant et rêvant. Je cessai de regarder l’Océan, et j’examinai la grotte ; je regardai curieusement chaque anfractuosité du roc ; j’aurais voulu deviner sur quelle pierre fatale et vers quel angle extrême les amants de la légende avaient expiré dans une éternelle étreinte. La tradition a transmis d’âge en âge aux populations basques cette touchante histoire ; on se répète, comme si c’était hier, les noms, les amours et la mort des deux amants ; mais l’époque où ils vécurent, on l’ignore. Qu’importe un siècle plus tôt ou plus tard dans la fuite interminable du temps ! Ce qui touche, ce qui attire, c’est le sentiment éternellement beau et jeune de l’amour vrai. Tous deux étaient de simples enfants de la campagne ; lui, Laorens, il était d’Ustaritz, là-bas au loin dans les terres, au pied de la chaîne lumineuse des Pyrénées ; elle, la pauvre petite Soubade, était du village d’Anglet, qui se déroule dans