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la plaine derrière moi ; contrariés dans leurs amours, ils se voyaient en secret chaque jour à l’abri des rochers de la plage.

Un soir l’orage gronda, ils se réfugièrent dans la grotte ; les éclairs, le tonnerre l’illuminaient et la faisaient retentir ; ils se pressèrent presque joyeux l’un contre l’autre, se croyant à l’abri du danger ; mais la mer, poussée et soulevée par la tempête, monta plus tôt et plus furieuse que de coutume ; elle envahit la plage, escalada le roc et se précipita dans la Chambre d’amour ; c’est alors qu’ils durent se blottir dans le dernier renfoncement et expirer ensemble. Chaque voyageur vient là parler ou rêver d’eux. Quelques-uns les plaignent, beaucoup les envient.

Tandis que j’évoquais à mon tour la légende, une troupe de cloportes rampait jusqu’à moi et menaçait de couvrir la pierre où j’étais assise ; je secouai ma robe avec terreur et je sortis de la Chambre d’amour.

Au-dessus du roc qui lui sert de dôme s’élève le phare ; il est aperçu de fort loin par les pilotes qui traversent l’Océan. Du côté de la campagne, on le découvre, le soir, comme un astre suspendu entre le ciel et l’eau ; on le voit aussi des côtes de l’Espagne ; ce phare a quarante sept mètres de hauteur ; sa lanterne est à deux cents pieds du niveau de la mer. Arrivée à son sommet, j’embrasse du regard un