Page:Colet - Les Derniers Marquis - Deux mois aux Pyrénées - 1866.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 241 —

décrivent lentement des pas bizarres ; tout à coup ils bondissent en poussant un cri guttural et en croisant leurs bâtons de voyage qui se heurtent en mesure. Après ces rondes, souvent répétées dans les rues et les carrefours de Biarritz, ils prennent la route de la falaise et s’abattent comme une nuée sur la grève de la côte des Basques. Là ils se déshabillent, et, hommes et femmes, ne formant plus qu’une seule et longue file, s’avancent en chantant et en criant à travers les rocs, les galets et les plantes marines dont cette plage est sillonnée. Une énorme vague arrive du large, elle bondit et couvre toute la masse vivante qui l’attend sans broncher. Les têtes se courbent, la vague passe au-dessus à la grande joie des baigneurs qui sont restés fermes sur leurs pieds. Ce bain, ou plutôt cette douche gigantesque, ne dure que quelques secondes, mais elle se renouvelle plusieurs fois. Après chaque immersion, les baigneurs basques vont s’étendre sur la grève, se sèchent un moment au soleil, puis retournent au flot qui monte.

Mais ce jour-là la côte était déserte ; les Basques avaient regagné leurs vallées et leurs montagnes depuis deux semaines ; à mes pieds le chaos des rocs battus par la mer et entourés de flaques d’eau était d’une solitude absolue. Biarritz disparaissait derrière moi ; blottie comme je l’étais sur la haute