Page:Colet - Les Derniers Marquis - Deux mois aux Pyrénées - 1866.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 242 —

falaise entre les touffes de plantes brûlées, j’aurais pu me croire sur quelque rivage d’Afrique, inhabité et sinistre. Les vagues se brisaient dans les rochers verdâtres et m’enveloppaient de leurs gémissements et de leur senteur marine. Au loin se déroulait sans limite l’étendue calme de l’Océan sur lequel le soleil projetait des moires d’or. Au-dessous de moi l’abîme était formidable, les parois des rocs restaient noires et humides, malgré l’ardeur et l’éclat du jour. Je ne pouvais détacher mes regards de la blanche écume bouillonnante qui tourbillonnait, se gonflait et semblait parfois vouloir monter jusqu’au faîte de la falaise. Je restai là bien longtemps, oubliant le monde entier et m’abandonnant à la sensation vertigineuse de la mer ; l’émotion qui m’envahissait m’inspira les strophes suivantes :

        Debout sur les rochers où ta voix se lamente,
        M’enivrant de ta force et de ta majesté,
        Je te vois tantôt calme et tantôt véhémente,
                Déserte immensité !

        Ô mer, je t’aime ainsi, sublime Solitaire,
        Repoussant les pêcheurs, dédaignant les vaisseaux,
        Et semblant tour à tour plaindre ou railler la terre
        Avec les cris stridents qui sortent de tes eaux.