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donc ces nombreux convives qui remplissaient la salle du bruit de leurs voix ?

— Ce sont les acteurs du grand théâtre de Bordeaux, me dit-il, qui doivent jouer ce soir à Biarritz.

Je les regardai plus curieusement. Après le café, on leur servit des sorbets, et tandis qu’ils les prenaient ils ne cessèrent pas de parler et de gesticuler ; ils étourdissaient leur misère par leur gaîté. C’était le cas de dire avec Gil Blas : « Les comédiens et les comédiennes qui n’étaient point venus là pour se taire ne furent point muets. »

Enfin, ils se levèrent ; nous en étions encore au rôti qu’ils avaient fini leur dîner. M’apercevant que le nôtre pourrait se prolonger fort tard, grâce à la lenteur des mangeurs anglais, et voyant le jour décroître dans le ciel et sur les vagues, je pris un fruit et quittai la table pour aller sur la terrasse retrouver le spectacle de la mer ; je rencontrai là toute la troupe des comédiens fumant et se promenant en attendant l’heure du théâtre. Il me sembla reconnaître une jeune actrice qui m’avait été présentée à Paris. Amaigrie et pâle, elle se tenait accoudée du côté de la mer. Sa mère qui m’avait aperçue s’approcha de moi, nous rejoignîmes la fille et nous fîmes ensemble quelques tours de terrasse : je demandai à la jeune artiste si elle était heureuse au