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Nous avions trouvé le port de Saint-Jean-de-Luz désert, et à l’heure où nous écrivons ces lignes des milliers d’ouvriers travaillent à ce même port et vont en faire un port militaire. Un jour nos escadres de guerre peupleront cette mer solitaire, et Saint-Jean-de-Luz dominera les côtes de l’Espagne, comme Cherbourg domine les côtes de l’Angleterre. On aime à voir se constituer de la sorte la grandeur matérielle de la France. Mais Dieu nous garde que ce soit au détriment de sa grandeur intellectuelle !

Un pont de pierre, jeté sur la Nivelle, sépare Saint-Jean-de-Luz du village de Liboure, dont la population se compose de pêcheurs et de bohémiens. Ces Égyptiens ou gitanos conservent leurs mœurs à part ; vêtus de haillons pittoresques, ils gardent sur leurs visages des signes indélébiles de race : teint cuivré, dents blanches, cheveux crépus, lèvres épaisses et des yeux noirs brillants comme des escarboucles.

Les gitanos se répandent dans les campagnes, jettent des sorts à qui les repoussent, tirent des cartes, disent la bonne aventure et font de prétendus sortilèges. Les femmes tressent des paniers, des espadrilles et des nattes de jonc ; les hommes tondent les mulets et les chiens. À une époque fixe de l’année, ils partent par bandes et s’abattent dans tout le Midi de la France. Je me souviens, quand j’étais enfant, d’en