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Le malade répondit d’un geste qui signifiait :

— Que m’importe ?

Puis il retomba dans son silence et sa rêverie.

Nérine proposa au docteur et à l’actrice d’aller dans sa chambre voir des albums.

— Vous ne voulez pas de moi ? lui dit l’écolier en rougissant.

— Vous nous rejoindrez plus tard pour prendre le thé.

— Et pour vous porter mes observations, reprit-il, car je suis bien certain que ma petite cousine va rentrer ici aussitôt que vous n’y serez plus.

En effet nous fûmes à peine assis dans la chambre de Nérine, autour de la table ronde où étaient ses dessins, que nous entendîmes le piano du salon retentir sous les doigts nerveux de la petite marquise ; elle jouait avec frénésie les airs les plus passionnés des opéras de Verdi ; son jeu était ferme, rapide, entraînant ; sa colère intérieure lui prêtait une sorte d’inspiration. Le magistrat de Pau, l’employé du chemin de fer de Toulouse et deux ou trois autres convives applaudissaient et criaient : bravo ! Le bel Italien se soulevait et semblait aspirer dans cette musique ardente une émanation de l’âme de la patrie absente.

— Continuez, continuez, lui disait-il en extase.