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flottait une flamme nacrée ; le jour dorait au loin la route à découvert qui serpentait à nos pieds, mais il s’éteignait dans les ténèbres des roches pendantes et humides qui bornent la route des Eaux-Chaudes.

Dans la petite vallée où nous avions laissé nos chevaux tout était lumière, elle y tombait du ciel bleu sans qu’un roc s’interposât sur son passage ; aussi chaque détail nous apparaissait-il, d’en haut, avec une précision et un relief inouïs. Nous distinguions jusqu’aux dentelures du feuillage des arbres, jusqu’à la forme des cailloux que le gave élargi et paresseux caressait en fuyant ; nous apercevions notre guide qui, avec la lame de son couteau espagnol, coupait une branche de merisier et s’en sculptait une canne.

— Mais regardez donc, dit tout à coup l’actrice, voilà le bel Italien et Adolphe de Chaly qui passent ensemble le gué !

En effet, le grand écolier dégingandé qui, à cette distance, paraissait tout petit, tendait son bras musculeux au malade pour lui faire franchir le torrent. Arrivé sur l’autre bord, il prit sur la selle du cheval le manteau que nous y avions vu, et en enveloppa avec soin l’Italien qui paraissait saisi d’un frisson, puis il l’aida à monter à cheval, se plaça en croupe derrière lui et dirigea lui-même l’animal impatient