Page:Colet - Les Derniers Marquis - Deux mois aux Pyrénées - 1866.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 80 —

seulement six tant elle était mignonne, pâle et diaphane ; on eût dit qu’un souffle d’air allait l’abattre comme une des feuilles de marronniers qui commençaient à tomber ; sa mère, inquiète mais inexpérimentée, la couvait du regard. Comme antithèse de cette frêle enfant, j’aperçus une femme énorme ; une dame romaine à la stature formidable ; son visage était encore beau, mais noyé dans l’ampleur des contours. Elle faisait avec son mari une tournée dans les Pyrénées ; ils étaient arrivés le matin.

Le déjeuner commençait quand la petite marquise et son mari parurent, suivis du couple servile des négociants de Mulhouse. L’écolier les précédait et sans doute les avait avertis que Nérine n’était point là ; ils se renfermèrent dans la raideur et le silence, et tous les autres convives ne s’occupèrent que des nouveaux arrivés. Le babil de la petite Anglaise nous amusait ; les grands yeux noirs de cette blonde enfant pétillaient d’intelligence ; elle s’obstinait à ne prendre qu’une tasse de thé et une demi-tartine de beurre, et comme sa mère la pressait de manger, elle répondit en anglais, désignant la colossale dame italienne, avec une petite moue malicieuse :

— Maman, voudriez-vous donc que je devinsse aussi grosse que cette dame ?