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il faut que tu voies ce que je vois, l’horizon est splendide ! Viens ! viens, est-ce qu’on sent la lassitude quand on aime ! »

Le crépuscule disparaissait et faisait place à la nuit ; quelques étoiles se levaient, et le disque de la lune se dessinait pâle sur l’étendue des cimes vertes ; devant moi les dernières bandes de pourpre du soleil couchant s’étendaient en lignes enflammées ; elles projetaient sur ma tête des lueurs d’incendie. Antonia m’a dit, plus tard, que je semblais marcher à travers le feu et que mes cheveux blonds rayonnaient comme la chevelure d’une comète.

— Accours donc ! je le veux, je t’attends ! lui criais-je toujours transporté par le spectacle qui s’agrandissait sous mes yeux, à mesure que je montais. En tous sens, partout, jusqu’au plus lointain horizon s’étendait la forêt verte diaprée de teintes jaunes et rouges, paraissant aussi vaste que le ciel qui la recouvrait. J’étais parvenu au point culminant du roc et j’y avais trouvé une cavité ovale, espèce de demi-grotte formant comme une alcôve tapissée de mousse noire. — J’ai un gîte pour la nuit, criais-je à Antonia, rejoins-moi, je t’en supplie ! et je m’assis immobile au bord de cet enfoncement, la regardant venir. Elle s’était levée comme à contre-cœur et gravissait lentement le roc ardu que j’avais franchi si vite : parfois, elle s’arrêtait, regardait autour d’elle, faisait encore quelques pas, puis s’asseyait comme épuisée. Ma voix la stimulait, j’aurais voulu la soulever d’un souffle jusqu’à moi, et, cepen-