un media-noche à quelques Vénitiens et à quelques étrangers de distinction ; leur compagnie me plairait et tous seraient heureux de me connaître. Il n’y aura pas de femmes, ajouta-t-il ; ainsi vous pouvez venir sans déplaire à votre belle amie.
Je suivis le consul. Aussi bien, pensai-je, à quoi bon rentrer au logis avant le jour, puisque je trouverai la porte d’Antonia close ?
Une vingtaine d’hommes étaient déjà réunis dans le salon du consul quand nous y arrivâmes. Quelques-uns étaient assis à des tables de jeux ; d’autres, debout, causaient, en groupes, musique ou politique ; plusieurs fumaient, accoudés aux balcons des fenêtres ouvertes. Le consul me présenta à ses amis. Nous échangeâmes quelques paroles cordiales, puis je me plaçai machinalement devant une table de jeu, cédant à l’instinct qui me poussait à m’étourdir. Comme je mêlais les cartes, je me souvins qu’il ne me restait pas un franc dans la poche : il n’était plus temps de me lever. J’appelai le consul et lui dis :
— Vous m’avez tantôt enlevé du théâtre sans me permettre de rentrer chez moi, et je m’aperçois que je n’ai pas ma bourse.
Il me remit cinquante louis.
Je ne suis joueur que par occasion, c’est-à-dire qu’il faut que le jeu vienne à moi et que je ne vais jamais au jeu ; mais si je rencontre par hasard, comme ce soir-là, une table et des cartes, un partenaire riche et passionné, calme en apparence, gagnant sans ivresse,