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Page:Colet - Lui, 1880.djvu/400

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apparue n’est pas celle d’une morte, et sans y frapper, je poussai gaiement la porte entr’ouverte.

— C’est donc déjà vous, me dit une voix fraîche et gazouillante ; entrez, entrez, je vais être prête.

Je vis la grisette debout, le cou et le visage tendus vers un petit miroir, elle était vêtue d’un déguisement de Pierrette et mettait en ce moment du rouge et des mouches sur ses joues.

Auprès de son pauvre lit, un vrai grabat, était une petite table sur laquelle s’étalaient encore des restes de poulet et de pommes de terre frites.

J’entrai en éclatant de rire ; la grisette tourna la tête et me reconnut.

— Quoi ! c’est vous, monsieur Albert ? dit-elle, et elle me sauta au cou en ajoutant : — Quelle bonne idée ! Si vous le voulez, nous irons ensemble au bal de l’Opéra ; ce serait bien plus agréable que d’y aller avec l’autre, que je ne connaissais pas il y a seulement une heure.

— Que me contez-vous donc là ? répliquai-je.

— Oh ! tenez ! j’aurais dû deviner que vous viendriez, reprit-elle, j’avais pensé à vous toute la journée… Car, vous ne savez pas ?… Je vais vous dire cela tout de suite, à présent que je suis gaie et pimpante, cela vous fera moins de peine à entendre : — J’ai bien pâti, et je mourais presque de faim depuis une semaine ; j’allais en vain demander chaque jour un peu de couture à faire à une confectionneuse, qui toujours me