Page:Colette - La maison de Claudine, 1922.djvu/79

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— Minet-Chéri, si tu disais bonsoir gentiment à Mme Bruneau ?

— Elle dort à moitié, laissez-la, cette petite…

— Minet-Chéri, si tu dors, il faut aller te coucher.

— Encore un peu, maman, encore un peu ? Je n’ai pas sommeil…

Une main fine, dont je chéris les trois petits durillons qu’elle doit au râteau, au sécateur et au plantoir, lisse mes cheveux, pince mon oreille :

— Je sais, je sais que les enfants de huit ans n’ont jamais sommeil.

Je reste, dans le noir, contre les genoux de maman. Je ferme, sans dormir, mes yeux inutiles. La robe de toile que je presse de ma joue sent le gros savon, la cire dont on lustre les fers à repasser, et la violette. Si je m’écarte un peu de cette fraîche robe de jardinière, ma tête plonge tout de suite dans une zone de parfum qui nous baigne comme une onde sans plis : le tabac blanc ouvre à la nuit ses tubes étroits de parfum et ses co