Page:Collectif (famille Chauviteau) - 1797-1817 Lettres de famille retrouvées en 1897, 1897.djvu/225

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nion ; celle du Saint-Sacrement, où elle restait longtemps en adoration et où elle se retirait pour prier et pleurer, dans toutes les épreuves douloureuses qu’elle eut à traverser ; ces stations du chemin de la croix et ce tombeau du jeudi saint, où nous avions le bonheur de l’accompagner et de voir couler ses pieuses larmes ! Et comment ne pas parler de Notre-Dame des Victoires, ce pèlerinage qu’elle accomplissait avec tant d’empressement et de confiance dès qu’il y avait un malade, un voyageur à recommander ; elle commençait une neuvaine, faisait dire des messes et revenait en action de grâces. La Confrérie pour la Conversion des pécheurs lui était particulièrement chère, comme répondant aux vœux les plus intimes de son cœur. Le cœur de la mère s’épanchait dans celui de la plus miséricordieuse des mères, et toujours elle revenait avec bonheur à ce cher sanctuaire.

Cette femme si chrétienne et si pieuse était loin d’être austère et exigeante pour le monde ; elle avait pour lui l’esprit bienveillant et conciliant, et prenait plaisir à tout ce qui du monde, était dans une juste mesure ; elle n’eut jamais même, envers ceux qui s’y laissaient entraîner, cette sévérité rigoureuse qui éloigne, et quelquefois un bon mot, une saillie de son esprit vif et original en disait plus que de longs reproches.

Elle se laissait aller franchement à la gaieté et avait un rire communicatif qu’un seul mot, quelquefois, provoquait tout à coup ; elle aimait la plaisanterie fine, et je dirai même un peu gauloise, et l’on eût fait des volumes de ses réparties vives et spirituelles, de ses petites histoires qui nous faisaient rire avec elle jusqu’aux larmes. Souvent à une certaine étincelle qui pétillait dans son regard, nous voyions qu’elle avait quelque chose à raconter, et nous nous serrions autour d’elle en demandant, toutes joyeuses, une petite histoire de Bonne-Maman.

Cette gaieté qui animait sa conversation ne s’exerçait jamais à dire du mal du prochain ; elle eut toujours horreur de la médisance et était portée à juger chacun avec bienveillance, même dans ses travers et ses ridicules qui ne lui échappaient pas et dont elle savait s’amuser sans blesser ; mais une plainte grave formulée devant elle, un mot aigre ou malin avait de suite sa réprobation dans l’expression de son visage et dans une petite