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Page:Collectif - La Vérité sur le différend sino-japonais, 1915.pdf/24

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cette guerre finie, de réclamer pour les sujets de nos colonies africaines ou asiatiques, pour les Hindous des colonies anglaises, tous les droits de l’homme et du citoyen, et la plus large autonomie nationale. Nous nous demandons comment nous réparerons envers eux les brutalités de la conquête. Nous nous proclamons les champions du Droit contre la Force. Nous sommes en train de faire la démonstration, sur le dos de l’Allemagne, que si fort qu’on soit, on finit toujours par se faire casser les reins dès qu’on veut abuser de sa puissance.

« Et nous apprendrions sans tristesse que là-bas, en Extrême-Orient, un grand peuple envers qui, hélas ! les nations européennes ont commis jadis plus d’une brutalité, est menacé de perdre son indépendance nationale !

« Et aucune voix ne s’élèverait chez les alliés pour demander à nos amis Japonais, à tout ce que le Japon compte de hautes consciences, de nous épargner cette amertume, d’éloigner de nous ce calice[1][2][3] ? »

  1. Les Débats, 10 mai 1905. « La politique des sphères d’influence en Chine, dont Guillaume II fut l’initiateur, est l’une des plus détestables inventions politiques de la fin du siècle dernier. La plupart des puissances européennes n’ont pas la conscience nette à ce sujet. Si elles avaient eu des idées politiques à la place de simples convoitises, elles n’auraient point médité de dépecer cet immense empire de plusieurs centaines de millions d’habitants, assoupis dans la décrépitude d’une civilisation autrefois raffinée. Elles se seraient bornées à l’abandonner à son pacifisme philosophique et à y faire du bon commerce. Mais, sous prétexte d’y introduire la civilisation, on y a introduit surtout des instruments de destruction. Au Japon également, on a rivalisé de zèle à fournir les armements les plus perfectionnés. Aujourd’hui, l’Europe n’est plus maîtresse d’arrêter le cours d’événements qu’elle a préparés inconsciemment ».
  2. Journal de Genève (8 mai 1915). Extrait du Bulletin du 7 mai 1915 :
    « Le Japon a invité la Chine à répondre dans les quarante-huit heures aux demandes qui lui ont été adressées. Si la réponse de la Chine n’est pas satisfaisante, c’est la guerre entre les deux plus grands peuples d’Asie.
    « On se souvient qu’après s’être emparé de la colonie allemande de Kiao-Tchéou, territoire chinois, le Japon, dont l’appétit s’était accru d’une façon démesurée, avait demandé à la Chine des concessions qui correspondaient à un véritable protectorat japonais sur le Céleste Empire transformé en République. Le Japon accompagnait sa demande d’envois de troupes sur la frontière de Chine.
    « Au milieu des événements qui bouleversent l’Europe à cette heure, ce conflit d’Extrême-Orient peut paraître bien éloigné et ne pas mériter l’attention. Il est cependant important. Les Puissances possèdent en Chine des intérêts considérables, elles y exploitent des mines, des chemins de fer, les douanes mêmes. La mainmise du Japon sur ce vaste empire peut avoir pour elles et pour toute l’humanité civilisée des conséquences incalculables.
    « 
    Deux seules puissances pourraient en ce moment mettre un frein aux ambitions du Japon : l’Angleterre et les États-Unis. Mais la première est trop intéressée à ne pas compromettre à cette heure son alliance avec ce pays d’Asie… Quant aux États-Unis ils ont fait savoir au gouvernement de Pékin qu’ils n’entendaient pas renoncer à leurs traités conclus avec la Chine. C’est là un pieux désir. La Chine ne demanderait pas mieux que d’en tenir compte. Mais c’est au Japon qu’il faut faire entendre raison…
    « 
    Le Japon a su admirablement profiter de la guerre actuelle. Il est le seul qui ait tiré jusqu’ici quelque avantage immédiat et certain de l’effroyable mêlée. Que la Chine se soumette ou non à sa tutelle, on peut être certain qu’il arrivera à ses fins… »
  3. De M. Clémenceau. L’Homme enchaîné, 12 mai 1915, qui conclut ainsi son article sur la question sino-japonaise : « Étrange aventure du Japon, engagé dans une voie qui pouvait le conduire à une intervention en Europe, aux côtés de l’Angleterre. Et subitement entraîné au bord d’une résolution qui aurait fait de lui l’ennemi de son allié anglais et l’allié de son ennemi allemand »…, etc.