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LAUSANNE À TRAVERS LES ÂGES

parmi les jeunes nobles du pays, très friands des grasses prébendes du Chapitre[1]. Mais l’habit ne fait pas le moine ; les cadets de famille étaient plus préoccupés de se procurer une existence agréable que d’avancer le règne de Dieu. Or donc, un dimanche, le 18 mai 1533, une vive dispute s’éleva au jeu de paume, entre un banneret de la ville et Barthélémy de Prez, chanoine et curé de Saint-Paul, fils du seigneur de Corcelles-le-Jorat. Ce chanoine était un homme violent ; il aimait mieux manier les armes que chanter messe ; deux ans plus tard, il marchait au secours de Genève, à la tête d’une compagnie de Lavaux. Un différend étant survenu entre deux joueurs, le chanoine donna un démenti au banneret et en vint immédiatement aux voies de fait. Le capitaine de la jeunesse, Ferrand Loys, prit fait et cause pour le banneret et demanda une réparation à son agresseur, qui la refusa. Aussitôt le bouillant capitaine fait sonner le tocsin, assemble sa troupe et annonce l’intention de mettre au pillage la maison du chanoine. Celui-ci, prévenu, appelle des amis à la garde de sa cure menacée ; l’attaque fut vive, la défense opiniâtre ; il y eut des tués et des blessés ; à la fin la jeunesse victorieuse prit la cure d’assaut et la pilla impitoyablement[2].

Il faudrait se garder de généraliser : les chroniques et les mémoires, comme les manuaux, relatent de préférence les événements qui sortent de l’ordinaire, et l’on doit penser qu’à côté de ces chanoines viveurs, il y avait des prêtres qui prenaient au sérieux le mandat sacré dont ils étaient revêtus et qui donnaient au peuple l’exemple de la piété. Il est évident cependant que le besoin d’une réforme se faisait sentir ; la curie romaine le comprit bien, et pour mettre un terme aux abus dont on se plaignait, le Concile de Trente (1545-1558) prit, mais un peu tard, une série de mesures énergiques qui produisirent d’heureux résultats.

Si les mœurs des vieux Lausannois laissaient à désirer, les épreuves d’autre part ne leur avaient pas manqué. Trois incendies, coup sur coup, en 1219, 1235 et 1240 consumèrent une grande partie de la ville ; la cathédrale eut beaucoup à en souffrir ; lors du premier, 1374 maisons furent détruites. Dans le second, 80 personnes périrent, toutes les églises, à l’exception de Saint-Laurent, furent brûlées, et avec elles une foule de documents précieux pour notre histoire. Le troisième de ces grands incendies fut allumé dans la lutte qui eut lieu entre les partisans de Jean de Cossonay et ceux de Philippe de Savoie, tous deux prétendants à l’évêché de Lausanne. Un autre incendie général détruisit la Cité et endommagea la cathédrale en 1320, un autre en 1377 ou 1378.

La peste visita la ville en 1439, 1521, 1527, 1528, 1530, 1531, 1532, 1542, 1551, 1564, 1565 et 1613. Des mesures de police furent prises pour combattre le fléau. Les pestiférés étaient internés dans des maisons préparées pour les recevoir,

  1. Le Chapitre possédait les seigneuries de Crans, Saint-Prex, Jolens, Tolochenaz, Crissier, Epalinges, Romanel, Chavornay, Essertines, Vuarrens, Dommartin, Daillens, Ogoz, Granges et Yvonand.
  2. Ferrand ou Ferdinand Loys, qui prit part en 1536 à la dispute de Lausanne, fut dans la suite bourgmestre (de 1557-1560) et se montra zélé partisan des protestants de France. Il acquit par son mariage avec Claude Champion la terre de Cheseaux. C’est à sa famille qu’appartient le physicien et astronome Jean-Philippe Loys de Cheseaux († 1751), qui s’est acquis une réputation européenne.