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LAUSANNE À TRAVERS LES ÂGES

blée des villes et communes est le seul moyen de sauver le pays d’une invasion. Dans une lettre du même jour, les commissaires fédéraux engagent LL. EE. à accorder la convocation demandée. Le colonel de Weiss, bailli de Moudon, n’en est pas moins nommé haut commandant du pays de Vaud. Il annonce au Comité de réunion qu’il rend ses membres responsables de toute entreprise armée (17 janvier). Le 18 janvier, les députés de Morges, Vevey, Nyon, Payerne, Aubonne, Cossonay se réunissent aux patriotes de Lausanne pour former le Comité central des villes, puis l’Assemblée des villes et communes du pays de Vaud.

N’ayant aucun moyen de faire prévaloir leurs vues, les représentants de la Diète quittent Lausanne. En dépit des avis des Confédérés, du bailli de Nyon Ch.-V. de Bonstetten et des magistrats de Lausanne, LL. EE. s’obstinent à traiter les Vaudois en rebelles. Un mandement, annonçant qu’elles se refusent à examiner toute demande collective et offrant l’amnistie à ceux qui reconnaîtraient leurs torts, est lu dans les chaires le 21 janvier. Le 22 janvier, le Deux-Cents de Berne refuse définitivement, à une majorité de dix voix, la convocation des États de Vaud. Décidées à recourir à la force pour réprimer ce qu’elles considéraient comme des agissements coupables, LL. EE. mettent sur pied leurs contingents allemands, dont les têtes de colonnes sont bientôt signalées à Avenches.

Comme le remarque Maurice Glayre, dans une lettre[1] qu’il écrivait à son ami Zschokke, on voit souvent les révolutions dégénérer de leurs principes en raison des résistances qu’elles éprouvent ; les obstacles et les dangers poussent aux résolutions extrêmes : l’homme se croit tout permis lorsqu’il a tout à craindre. L’ambition des modérés : Glayre, Pidou, Muret, Monod, Secretan, de Saussure, Bergier, se bornait à la convocation des États de Vaud ; ils étaient opposés à une intervention armée de la France. Si la plupart d’entr’eux s’étaient refusés à la prestation du serment du 10 janvier, c’était surtout à cause de la manière dont il était prescrit.

L’obstination de LL. EE. donna beau jeu au parti avancé, que dirigeaient Fréderic-César de la Harpe et son ami Vincent Perdonnet. Convaincus à l’avance que Berne ne ferait pas droit aux revendications des Vaudois, la Harpe considérait la rupture comme fatale. Selon lui, il ne pouvait être question de devoirs pour un peuple dont on méconnaissait les droits. Sincèrement ami de son pays, il n’entendait point le rattacher à la France[2] ; il voulait que le pays de Vaud fût uni directement à la Suisse, qu’il fît partie intégrante[3] d’une Suisse régénérée,

  1. Lettre du 28 mars 1805.
  2. Plus tard, devenu Directeur de la République helvétique, F.-C. de la Harpe fut éliminé de ses fonctions, en raison de sa prétendue hostilité envers la France, sous le prétexte de conspiration contre Bonaparte.
  3. Le pays de Vaud ne faisait pas partie intégrante de la Suisse, en ce sens que les Confédérés ne s’étaient pas engagés envers les Bernois à leur assurer la possession de cette province au cas où elle leur serait disputée. Il n’y avait pas de lien de droit entre les Vaudois et la Confédération ; par contre les Bernois, par le traité de Lausanne, ayant pris envers le duc de Savoie l’engagement de respecter les « bons us et coutumes et droits », dont jouissaient les Vaudois, le duc de Savoie ou ses ayants-droit, en l’espèce le gouvernement Français, avait le droit d’exiger de Berne le respect de ces engagements ténorisés dans le traité de Lausanne du 30 octobre 1564.