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Page:Collectif - Miss Edith Cavell. Eugène Jacquet, 1916.pdf/20

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bien, fillette, se rendant à l’office du dimanche, le livre dans les mains, sans détourner la tête, l’air déjà pensif et réfléchi. On se l’imagine bien, plus tard, parée de toutes les grâces, mais portée à en atténuer le rayonnement, simple par vocation, dévouée par prédestination.

Et même plus que simple : simplifiée.

Elle a la jeunesse, elle a le charme, elle a l’aisance, elle a même cet heureux enjouement par quoi se rend aimable la vertu. Que va-t-elle faire de sa vie ?

La « vivre », comme disent les oisifs, les inutiles, les malfaisants ? Fi donc ! Elle va la consacrer aux autres, oui ; à toutes les détresses, à tous les maux de la pitoyable humanité !

Elle ne dédaignera même pas les plus infimes créatures ; son grand cœur lui permettra, sans frustrer personne, d’étendre sa compassion jusqu’aux animaux. Si bien que les deux molosses allongés à son ombre, dans le portrait qu’acclame toute l’Angleterre, évoquent les gardiens de pierre étendus sur les tombeaux aux pieds de l’effigie du maître, et qui symbolisaient, en des siècles cependant rudes, le courage et la fidélité ses préceptes !
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Et c’est celle-là qu’ils ont tuée !… Et dans quelles conditions de particulière horreur ! Rappelez-vous : les ténèbres de la nuit, hostiles mêmes aux mâles courages ; l’enclos qui n’est plus, hélas, le « jardin charmant » du Faust de Goethe, mais lieu de supplice ; ces soldats armés… On a dit, on a démenti qu’ils avaient refusé de tirer. Fasse le ciel que ce soit exact, que, dans cet ouragan de massacre, nous trouvions au moins ce vestige de miséricorde !

Il compenserait un peu le geste du chef, de cet officier qui, devant une femme, d’âme intrépide