La plupart des drames du théâtre moderne sont, au dire de M. Saint-Marc Girardin, d’une parfaite ineptie ; quant aux drames de quelque valeur, les seuls dans lesquels on n’a pas à se plaindre des acteurs sont ceux que l’on ne voit pas jouer, mais que l’on se contente de lire.
Sans doute il y a des acteurs de talent, et on a plaisir à les entendre ; mais l’idéal !…
L’idéal, à vrai dire, ne se trouve que dans les livres, ou plutôt dans notre imagination. Ouvrons un volume au hasard. Voici Quentin Durward de Walter Scott. Le caractère de Louis XI y est fortement chargé, mais la figure de ce personnage se dessine nettement. L’imagination complète ce qu’il y a d’insuffisant dans le portrait : vous avez un Louis XI idéal parfait. Transportons-nous maintenant au théâtre où ce roman lui-même a été transporté. Louis XI y est représenté par un acteur quelconque qui, infailliblement, ne répond pas à votre idéal. Il y a dans l’attitude, le ton, le geste de ce Louis XI-là quelque chose de trop vif ou de trop solennel, de trop puéril ou de trop féroce, de trop vulgaire ou de trop maniéré. Ces inflexions de voix sont trop conservatoires, cette tenue trop boulevard des Italiens ; votre idéal est brisé.
Les rôles comiques sont beaucoup plus faciles à rendre que les rôles sérieux, précisément parce que l’exagéré, le faux y est de mise.
Au reste, ce qui manque plus ou moins à tout le monde, — je ne parle plus ici seulement des acteurs, — c’est la grandeur. Il n’existe pas de personnage, si auguste qu’il soit, qui n’ait son côté prosaïque et petit, et le dicton populaire : « Il n’est pas de grand homme pour son valet de chambre » est d’une parfaite vérité.
La mort seule corrige de ce défaut ; mais j’avoue que le remède est un peu violent.
La mort communique à ce qu’elle touche quelque chose d’auguste que n’ont jamais possédé les vivants. Rappelez-vous l’homme le plus prosaïque que vous ayez connu, l’être ridicule que les gamins bafouent aux coins des rues et qui