Aller au contenu

Page:Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions, et romans cabalistiques, tome 29, 1788.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
149
de Campagne.

d’une autre qu’on nommoit madame de Rantal : celle-ci n’étoit point philoſophe : la nature lui avoit départi beaucoup de ſes dons ; elle étoit jeune, agréable, gracieuſe, ſpirituelle ; ſa raiſon & ſes réflexions lui tenoient lieu de philoſophie ; elle ſe moquoit ſouvent de nos vaines diſputes ; &, quand madame de Fercy vouloit l’engager à lire Deſcartes & à ſe mêler dans nos conteſtations : lorſque je vous aurai vu convenir de quelque choſe, lui diſoit-elle, non-ſeulement je lirai Deſcartes, mais je ne lirai plus autre choſe ; mais comme je vois que vous ne convenez point de vos opinions après vous être preſque querellés, & que chacun donne le ſens qu’il veut à des choſes qui devroient être sûres, vous me permettrez de m’en tenir à ma philoſophie naturelle, & de ne point perdre mon tems & ma poitrine avec vous autres. Oh ! voilà une belle philoſophie, reprenoit madame de Fercy ; quel en eſt le fruit ? Je vais vous le dire, diſoit madame de Rantal : premièrement, jamais je ne me laiſſe amuſer par l’eſpérance, au point d’être bien fâchée quand mes entrepriſes ne me réuſſiſſent pas. Je ne reçois pas tout-à-fait les biens & les maux du même viſage ; car je crois que cela tient plus de l’inſenſibilité que de la philoſophie ; mais les uns ne me cauſent point

K iij