Aller au contenu

Page:Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions, et romans cabalistiques, tome 29, 1788.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
150
Voyage

de grands mouvemens de joie, & les autres n’ont guère la force de m’affliger extrêmement : je jouis du bien préſent, ſans vouloir pénétrer dans un avenir toujours obſcur & incertain ; je me contente d’une fortune médiocre, quoique j’en croye mériter une plus grande, & que je ſache bien que je n’en ferois pas un mauvais uſage : je ne demande de mes amis, que ce que je ferois pour eux, & je me ſatisfais encore de beaucoup moins ; enfin, de toutes les parties de la philoſophie, je n’admets que la morale, mais telle que je la trouve dans ma tête & dans mon cœur, ſans le ſecours de l’étude : j’aime mieux apprendre, dans mes lectures, des faits qui m’amuſent, que de m’ennuyer avec des livres abſtraits, qui ne me rendroient pas plus ſage ni de meilleure compagnie, & dont la ſcience eſt fort incertaine. Voilà une femme parfaite, diſoit alors madame de Fercy en ſe moquant de ſon amie : nous diſputions ſans ceſſe contre elle ; elle en rioit & nous ne la perſuadions point. Pendant toutes ces converſations, je ſentois diminuer en moi cette ſévérité que l’âge & l’étude m’avoient donnée. Je trouvois bien de l’eſprit à madame de Rantal ; ſa figure étoit aimable : elle ne ſongeoit point à me plaire ; mais une certaine politeſſe charmante, dont la nature l’a douée, flattoit mon cœur de quel-