Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/95

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Hartright, si vous le voulez bien, prenons de ce côté !…

Elle me fit traverser les pelouses par le même sentier que nous avions suivi le lendemain de mon arrivée à Limmeridge. Arrivés au petit pavillon d’été, où Laura Fairlie et moi nous nous étions vus pour la première fois, elle s’arrêta et rompit le silence qu’elle avait obstinément gardé pendant que nous marchions côte à côte.

— Ce que j’ai à vous dire peut se dire ici…

À ces mots, elle monta dans le pavillon, prit pour elle une des chaises placées à l’intérieur, près de la table ronde, et me fit signe de m’asseoir sur l’autre. Déjà, lorsqu’elle m’adressait la parole dans la salle à manger, j’avais pressenti ce qui allait suivre ; — maintenant, je ne conservai plus aucun doute.

— Monsieur Hartright, dit-elle, je vais débuter par un aveu sans détour. Je vais vous dire — sans phrases, je les déteste, — sans compliments, je les méprise, — que j’en suis venue, par suite de votre résidence auprès de nous, à éprouver pour vous un vif intérêt d’amitié. Je me sentis déjà favorablement disposée à votre égard, quand vous m’apprîtes comment vous vous étiez conduit envers l’infortunée que vous avez rencontrée dans de si remarquables circonstances. Peut-être, en cette affaire, n’aviez-vous pas déployé toute la prudence imaginable, mais elle vous montrait maître de vous-même, et doué de cette compatissante délicatesse qui est l’apanage du vrai gentleman. Elle m’avait fait beaucoup attendre de vous, et vous n’avez rien démenti de ce que j’attendais…

Elle s’arrêta, — mais, en même temps, leva la main, témoignant ainsi qu’elle n’attendait encore aucune réponse de moi. Lorsque j’étais entré dans le pavillon, je ne songeais nullement à la Femme en blanc. Mais, à présent, miss Halcombe elle-même, par ses paroles, m’avait remis en tête le souvenir de mon aventure. Il y demeura durant tout l’entretien : — il y demeura, et ce ne fut pas en vain.

— Comme votre ami, continua-t-elle, je viens vous dire tout de suite, et dans ce langage sincère, uni, peu ménagé dont je me sers, que j’ai découvert votre secret ; — ceci,