Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/133

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tendait. Il m’effraya et me mit en colère ; pourquoi, je ne pourrais le dire, mais il en fut ainsi.

« Faut-il renoncer à l’investigation ? dis-je.

— Oui, répondit le sergent, elle doit être abandonnée, parce que votre jeune dame refuse d’agir comme tout le reste de la maison. Nous devons examiner tous les effets ou n’en examiner aucun. Renvoyez la malle de M. Ablewhite par le premier train, et veuillez rendre le livre du blanchissage avec mes remercîments à la personne qui nous l’a apporté ici. »

Il posa le registre sur la table, et sortant un canif de sa poche, se mit à se gratter les ongles.

« Vous ne paraissez pas très-surpris, lui dis-je.

— Non, répondit le sergent, je suis peu surpris. »

Je cherchai à en tirer une explication.

« Pourquoi miss Rachel met-elle donc une entrave à votre action ? dis-je ; son intérêt ne serait-il pas de nous aider ?

— Attendez un peu, monsieur Betteredge, attendez donc. »

Des esprits plus sagaces que le mien eussent saisi son intention. Peut-être aussi eût-elle été comprise d’une personne moins attachée à miss Rachel que je ne l’étais. L’aversion de milady pour le sergent (comme j’y ai pensé plus tard) aurait dû m’avertir qu’elle voyait son but comme s’il se reflétait dans un miroir. Moi, je ne découvris rien encore et je l’avoue à ma honte.

« Qu’allons-nous faire ? » demandai-je.

Le sergent acheva la toilette de l’ongle sur lequel il opérait, le considéra un instant avec un mélancolique intérêt, puis rentra son canif dans sa poche.

« Venez au jardin, dit-il, et faisons une petite visite aux rosiers. »