Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/135

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croyez-en ma parole, renferme celui de la disparition du diamant. Je suis décidé à parler aux domestiques et à faire en sorte de pénétrer leurs pensées et leurs actions, au lieu de fouiller leurs effets. Pourtant, avant de commencer, j’ai besoin de vous adresser quelques questions. Vous êtes un esprit observateur ; avez-vous remarqué quelque chose d’insolite chez un des domestiques (en faisant bien entendu la part de la frayeur et de l’agitation) depuis la perte du diamant ? s’est-il élevé des disputes entre eux ? l’un d’eux a-t-il changé ses habitudes ? auriez-vous, par exemple, été frappé de la mauvaise humeur sans motif, ou de la maladie soudaine d’un de vos subordonnés ? »

Je songeais justement à l’indisposition subite de Rosanna Spearman hier à dîner, mais je n’avais pas eu le temps de répondre, lorsque je vis les yeux du sergent Cuff se diriger vers le taillis et je l’entendis se dire à voix basse :

« Tiens, tiens !

— Qu’y a-t-il ? demandai-je.

— Une de mes maudites douleurs de rhumatisme qui me prend dans le dos, répondit le sergent à haute voix, comme s’il parlait à l’intention d’un troisième interlocuteur. Nous aurons sous peu un changement de temps. »

Nous fîmes quelques pas de plus qui nous amenèrent au coin de la maison. Tournant vers la droite, nous entrâmes sur la terrasse, et descendîmes, par les marches du milieu, au jardin situé en dessous. Là, M. Cuff s’arrêta ; les alentours étaient découverts et l’on voyait autour de soi de tous côtés.

« Il s’agit de cette jeune fille, Rosanna Spearman, dit-il ; il est peu probable qu’avec son extérieur, elle ait trouvé un amoureux. Mais dans son intérêt, il est nécessaire que vous me disiez si elle est parvenue, comme beaucoup d’autres, à avoir un amant ? »

Quelle pouvait être son intention en me posant une pareille question, et dans un semblable moment ? Je le dévisageai au lieu de lui répondre.

« Je viens de voir Rosanna qui se cachait dans le taillis, au moment où nous y passions, dit le sergent.

— Lorsque vous fîtes une exclamation ?

— Oui, lorsque je dis : Tiens, tiens. S’il y a une amourette