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Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/149

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cottage, la langue de ces bonnes gens ne se déliera jamais pour répondre à mes questions ; tandis que, présenté par vous, si justement estimé ici, la conversation marchera comme par enchantement. Cela saute aux yeux, qu’en dites-vous ? »

Ne trouvant à faire aucune réponse aussi piquante que je l’eusse désirée, j’essayai de gagner du temps en lui demandant dans quel cottage il voulait aller.

À la description du sergent, je reconnus qu’il s’agissait d’un cottage habité par un pêcheur du nom de Yolland avec sa femme et sa famille composée d’un fils et d’une fille déjà sortis de l’enfance.

Si vous voulez jeter un coup d’œil en arrière, vous verrez que, lorsque je vous fis connaître pour la première fois Rosanna Spearman, je vous dis qu’elle ne variait sa promenade vers les Sables-Tremblants que pour aller voir des amis à Cobb’s Hole. Ces amis étaient les Yolland, dignes gens, respectés et considérés de leur voisinage. Rosanna les avait connus d’abord par leur fille qui avait un pied estropié et qu’on désignait de nos côtés sous le nom de Lucy la Boiteuse. Ces deux filles avaient peut-être puisé dans leur difformité un penchant mutuel. En tout cas, les Yolland et Rosanna étaient au mieux ensemble.

La découverte du sergent touchant le but de promenade de cette fille me mit beaucoup plus à l’aise pour répondre à ses questions. Rosanna n’avait fait que se rendre là où elle avait l’habitude d’aller : prouver que son temps s’était passé avec la famille du pêcheur, équivalait à établir l’innocence de ses occupations.

Donc, bien loin de lui faire tort, c’était lui rendre service que de m’avouer persuadé par la logique du sergent ; j’usai de ce moyen.

Nous partîmes pour Cobb’s Hole, en suivant les pas de Rosanna sur le sable, tant que le jour dura. Quand nous arrivâmes au cottage, le pêcheur et son fils se trouvèrent être sortis en bateau, et Lucy la Boiteuse, toujours faible et fatiguée, se reposait sur son lit. La bonne Mrs Yolland nous reçut seule dans sa cuisine ; lorsqu’elle apprit que le sergent Cuff était une célébrité de Londres, elle étala une bouteille de gin hollandais avec des pipes neuves sur la table, et se