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Je pensai à m’adresser à milady ; mais en songeant à la part d’anxiété et de chagrin qu’elle portait déjà, j’hésitai à venir y ajouter mes propres soucis.

Pourtant il était urgent de faire quelque chose ; je jugeais l’état de Rosanna des plus alarmants, et, en ce cas, mon devoir voulait que j’en informasse ma maîtresse. Quoique à contre-cœur, je m’acheminai vers son salon, mais il était vide. J’appris que milady était enfermée avec miss Rachel, et que je ne pourrais la voir que lorsqu’elle sortirait de la chambre.

J’attendis en vain jusqu’à ce que l’horloge de l’escalier sonnât le quart avant deux heures. Cinq minutes après, je m’entendis appeler du dehors, et je reconnus tout de suite la voix du sergent qui arrivait de Frizinghall.


CHAPITRE XVIII


Je descendis et rencontrai le sergent sur le perron. Il est bien peu croyable qu’avec les sentiments que j’entretenais contre lui, je prisse encore quelque intérêt au résultat de ses démarches ; et pourtant, en dépit de moi-même, je grillais d’apprendre ce qui s’était passé. Aussi fis-je abstraction de toute dignité, et mes premiers mots furent :

« Eh bien ! quelles nouvelles de Frizinghall ?

— J’ai vu les Indiens, répondit le sergent, et j’ai fini par découvrir ce que Rosanna a été acheter jeudi dernier en ville. Les Indiens seront mis en liberté mercredi prochain. Je suis persuadé, comme M. Murthwaite, qu’ils sont venus ici dans le seul but de voler la Pierre de Lune. Tous leurs calculs ont été déjoués par l’événement de la nuit de mercredi dernier, et ils n’ont pas plus de part à la perte du joyau que nous n’en avons vous ou moi. Mais ce que je puis vous affirmer, monsieur Betteredge, est ceci : si nous ne parvenons pas à rentrer en possession de la Pierre de Lune,