Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/177

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soyez certain qu’eux la retrouveront. Vous n’en avez pas fini encore avec les trois jongleurs ! »

M. Franklin rentrait de sa promenade au moment où j’entendais cette consolante prédiction. Plus maître de sa curiosité que je ne l’avais été de la mienne, il passa près de nous sans dire un mot et il entra dans la maison.

Quant à moi, comme j’avais déjà fait abandon de ma dignité, je résolus d’en avoir au moins le plein bénéfice.

« Voilà pour les Indiens, dis-je ; après cela venons à Rosanna. »

Le sergent Cuff hocha la tête.

« De ce côté, le mystère est plus épais que jamais. J’ai suivi sa trace jusqu’à la boutique d’un nommé Maltby, marchand de linge à Frizinghall. Elle n’y a acheté qu’un aunage de toile, et n’a pris quoi que ce soit d’autre chez les tailleurs, modistes ou autres fournisseurs. Elle a fort insisté pour rassortir une certaine qualité de toile, et quant à la quantité on lui en a vendu ce qu’il en faut pour une robe de chambre.

— Une robe de chambre pour qui ? demandai-je.

— Mais pour elle sans doute. Il est probable que le jeudi entre minuit et trois heures du matin, elle se sera glissée chez votre jeune maîtresse pendant que vous dormiez tous, afin de discuter le lieu où elle cacherait le diamant. Lorsqu’elle est retournée à sa chambre, sa robe de nuit aura frôlé la peinture humide. Elle n’aura pu enlever la tache, ni détruire avec sécurité le vêtement avant d’en avoir substitué un tout semblable, afin que la liste de son linge restât complète.

— Qu’est-ce qui prouve que ce fût une robe de nuit appartenant justement à Rosanna ? objectai-je.

— L’étoffe qu’elle a achetée pour aviser à la substitution, répondit le sergent, S’il s’était agi d’un vêtement de miss Verinder, il eût fallu y ajouter l’achat de dentelles, de garnitures, enfin Dieu sait quoi en plus ; elle n’eût pas eu non plus le temps de le confectionner en une nuit ; tandis que de la toile unie constitue le vêtement très-modeste d’une simple servante. Non, non, monsieur Betteredge, rien n’est plus clair. La difficulté qui subsiste toujours est de découvrir pourquoi, après avoir remplacé le vêtement, elle a caché et conservé celui qui était taché, au lieu de le détruire. Si