Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/202

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« Merci, dit le sergent, milady me laissant libre de choisir, je commence par indiquer celui des deux procédés que je juge infaillible. Que miss Verinder séjourne à Frizinghall ou qu’elle revienne ici, je me propose de surveiller soigneusement tout ce qu’elle fera, les personnes qu’elle verra, ses promenades et les lettres qu’elle écrira et recevra.

— Après ? dit ma maîtresse.

— Je demanderai à milady la permission d’introduire ici, pour remplacer la défunte housemaid, une femme dont je puis garantir la discrétion, et qui est accoutumée à cette sorte d’enquêtes secrètes.

— Ensuite ? fit ma maîtresse.

— Enfin et pour finir, je compte charger un de mes collègues de faire quelques conventions avec le prêteur sur gages dont je vous ai parlé tout à l’heure, et dont l’adresse a dû être donnée par Rosanna à miss Verinder. Je ne nie pas que cette manière d’agir ne prenne du temps et ne demande de l’argent, mais le résultat en est certain ; nous formons un cercle autour de la Pierre de Lune, et le resserrons jusqu’à ce que nous trouvions la Pierre de Lune entre les mains de miss Verinder, à supposer qu’elle ne s’en soit point dessaisie. Si, pressée par ses dettes, elle se décide à envoyer son diamant à l’usurier, alors nous avons un agent tout prêt, et le joyau n’est pas plus tôt arrivé à Londres qu’il s’en saisit. »

Blessée d’entendre parler de sa fille dans de pareils termes, ma maîtresse s’exprima pour la première fois avec colère.

« Regardez cette proposition comme absolument écartée, dit-elle ; et veuillez nous faire connaître votre second moyen de poursuivre l’enquête.

— L’autre moyen, répondit le sergent avec le même calme, c’est de tenter une épreuve assez hardie. Je crois me rendre compte de la nature de miss Verinder ; je la juge parfaitement capable de commettre un acte d’audacieuse dissimulation ; mais son caractère est trop vif (selon moi) et encore trop peu habitué à tromper, pour qu’elle soutienne son rôle dans de petites choses, et sache se contenir toujours et quand même. Dans l’affaire qui nous occupe, elle a, à plusieurs reprises, laissé éclater ses sentiments alors même qu’il était de son intérêt évident de les dissimuler. C’est sur cette particularité de son caractère que je compte