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« Premièrement, reprit le sergent, vous apprendrez quelque chose par le fait des Yolland, lorsque la poste aura distribué la lettre de Rosanna à Cobb’s Hole lundi prochain. »

Ces mots produisirent sur moi l’effet d’une douche d’eau froide. La justification de miss Rachel n’avait éclairci en rien la conduite de Rosanna ; la confection du nouveau vêtement, la disparition de celui qui avait été taché, enfin tout l’ensemble des faits suspects subsistait dans son entier.

Et dire que je n’y avais plus songé, jusqu’au moment où le sergent me le rappelait ainsi !

« En second lieu, reprit ce dernier, vous entendrez parler des trois Indiens ; et cela dans le voisinage, si miss Rachel y reste ; à Londres, si elle s’y rend. »

Comme je ne me souciais plus aucunement des trois jongleurs et que j’étais profondément convaincu de l’innocence de ma jeune maîtresse, je pris aisément mon parti de cette seconde prophétie.

« Nous voici édifiés sur deux des choses qui doivent arriver, dis-je ; voyons maintenant la troisième.

— En troisième et dernier lieu, dit M. Cuff, vous entendrez parler tôt ou tard du prêteur sur gages dont j’ai pris deux fois déjà la liberté de vous entretenir. Donnez-moi votre agenda, et j’y inscrirai son nom et son adresse, de façon qu’il ne puisse y avoir aucune erreur si ma prévision se réalise. »

Il écrivit en effet sur une feuille : « M. Septimus Luker, Middlesex-Place, Lambeth, Londres. »

« Voilà, dit-il en me montrant cette adresse, les derniers mots avec lesquels je vous importunerai au sujet de la Pierre de Lune. Le temps nous apprendra si j’ai tort ou raison. J’emporte, monsieur, un attachement sincère pour vous, et je crois que ce sentiment nous fait honneur à tous deux. Si nous n’avons pas l’occasion de nous rencontrer avant que je prenne ma retraite, j’espère qu’alors vous viendrez me voir dans une petite maison près de Londres, sur laquelle j’ai jeté mon dévolu. Il se trouvera des allées gazonnées dans mon jardin, vous pouvez bien y compter, monsieur Betteredge ; et quant à la rose mousseuse blanche…

— Le diable lui-même ne ferait pas pousser la rose mousseuse blanche, si vous ne la greffez pas d’abord sur l’églantier, » cria une voix sous la fenêtre.