Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 1.djvu/230

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fance) jour par jour, et les moindres incidents pourront être consignés ici. Mon respect sacré pour la vérité est, Dieu merci ! au-dessus des considérations personnelles ; il sera facile à M. Blake de retrancher de ces pages tout ce qui ne lui semblera pas assez flatteur pour la personne qui y est le plus souvent en question. Il a acheté mon temps, mais sa fortune même[1] ne saurait me faire vendre ma conscience !

Mon journal me rappelle que, le lundi 3 août 1848, je passais par hasard devant la demeure de ma tante Verinder, dans Montagu-Square. Les volets étaient ouverts ; je crus faire acte de déférence polie en frappant et en demandant des nouvelles. La personne qui répondit à mon appel m’apprit que ma tante et sa fille (je ne puis prendre sur moi de la nommer ma cousine !) étaient arrivées depuis une semaine de la campagne, et pensaient faire un séjour à Londres. Je leur envoyai dire que je ne voulais pas les déranger, mais que je serais heureuse de savoir si je pouvais leur être utile.

La personne qui m’avait ouvert reçut mon message avec une insolence muette, et me laissa tout debout dans le hall. C’était la fille d’un vieux mécréant nommé Betteredge, toléré depuis trop longtemps dans l’intérieur de ma tante. Je m’assis dans le hall en attendant la réponse ; puis, comme mon sac est toujours rempli de pieuses brochures, j’en choisis une qui se trouva providentiellement applicable à cette jeune personne. L’antichambre était sale, la chaise

  1. Note ajoutée par Franklin Blake. — Miss Clack peut se tranquilliser sur ce point. Aucune addition, modification ou suppression ne sera faite à son manuscrit, pas plus qu’aux autres qui sont remis entre mes mains. Quelles que puissent être les opinions exprimées par les rédacteurs, pas un mot ne sera changé aux récits que je collectionne. Ces narrations me sont adressées comme des documents authentiques, et comme tels, signées des témoins oculaires : aussi les conserverai-je sans leur faire subir la moindre altération. Je n’ajoute qu’un mot : « la personne le plus souvent en question » à laquelle miss Clack fait allusion, non-seulement a le bonheur de pouvoir actuellement braver les jugements les plus acerbes de miss Clack, mais de plus elle est heureuse de certifier l’incontestable valeur qu’a celui-ci pour faire connaître le caractère de miss Clack.