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à la mienne, objectai-je timidement. Mais il faut évidemment un motif bien puissant pour amener une pareille conduite de la part de Rachel. Elle cache à vous et aux autres un mystère coupable. N’y aurait-il rien dans cette récente aventure qui pût menacer son secret d’être découvert ?

— Découvert ? répéta ma tante ; qu’entendez-vous donc par là ? découvert par M. Luker ? par mon neveu ? par qui enfin ? »

Comme elle achevait ces mots, la Providence voulait que la porte s’ouvrît pour laisser entrer M. Godfrey Ablewhite.


CHAPITRE II


M. Godfrey suivit de près l’annonce de son nom faite par le domestique ; il agit ainsi du reste en toute chose, il arrive toujours juste à temps !

Il ne marchait pas sur les talons du domestique, ce qui nous eût désagréablement surpris ; il n’était pas assez éloigné pour donner l’ennui d’une porte ouverte et d’un arrêt dans la conversation. C’est dans la stricte observation des devoirs de la vie journalière que se montre le parfait chrétien ; cet excellent homme était vraiment complet.

« Allez prévenir miss Verinder, dit ma tante au domestique, que M. Ablewhite est ici. »

Nous demandâmes toutes deux à M. Godfrey s’il se sentait un peu remis, et si sa santé ne souffrait pas trop de la terrible secousse qu’il venait de subir ; avec son tact exquis, il trouva moyen de nous répondre simultanément ; il adressa ses paroles à lady Verinder, et à moi son aimable sourire.

« Comment ai-je pu mériter tant d’intérêt, s’écria-t-il affectueusement, ma bonne tante, ma chère miss Clack ! J’ai été simplement victime d’une méprise. On s’est borné à me bander les yeux, à m’étrangler et à me jeter sur un méchant tapis qui recouvrait mal un plancher fort dur. Jugez