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CHAPITRE IV


Je regrette vraiment de vous retenir près d’un vieillard assoupi, d’un fauteuil et d’une cour située au soleil, tous objets, je le sais, de mince intérêt ; mais il faut procéder par ordre : résignez-vous donc à me suivre encore un peu jusqu’à l’arrivée de M. Franklin Blake, qui n’eut lieu que dans le courant de la soirée.

Avant que j’eusse eu le temps de reprendre ma sieste interrompue par Pénélope, un bruit de vaisselle dans l’office des domestiques m’avertit que leur dîner était servi. Mangeant à part dans ma chambre, je n’avais qu’à leur souhaiter un bon appétit, et je me disposai encore une fois au repos ; j’étendais mes jambes, lorsqu’une femme se jeta de nouveau sur moi ! Non pas ma fille cette fois, mais Nancy, la fille de cuisine. Elle dut me demander de la laisser passer, car je me trouvais placé sur son chemin ; je remarquai alors son air grognon, chose que, comme chef de la domesticité, j’ai pour principe de ne jamais tolérer sans en demander le motif.

— Qu’y a-t-il donc, Nancy, lui dis-je, et pourquoi tourner le dos au dîner ?

Nancy essaya de passer sans répondre, mais je me levai, et lui pris le bout de l’oreille ; c’est une bonne grosse fille, et j’ai adopté cette petite familiarité pour indiquer que je suis personnellement satisfait d’une des femmes de la maison.

— Qu’y a-t-il ? répétai-je.

— Rosanna est encore en retard, fut la réponse, et il faut que j’aille la chercher pour dîner, Tout le gros de l’ouvrage tombe sur mon dos dans cette maison ; laissez-moi aller, monsieur Betteredge.

La personne en question était notre seconde housemaid.

Elle m’inspirait une sorte de pitié (vous saurez tout à