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l’heure pourquoi) ; aussi voyant à l’air de Nancy que cette fille lui parlerait plus rudement qu’il n’était nécessaire, je pensai que, puisque je n’avais rien à faire moi-même, je pourrais bien aller quérir Rosanna et l’engager à être plus exacte. Je savais que, venant de moi, cette petite remontrance serait bien accueillie.

— Où est Rosanna ? demandai-je.

— Sur le sable, comme de coutume, sans doute, dit Nancy, en haussant les épaules.

« Elle a eu encore un de ses évanouissements ce matin, et a demandé à aller prendre l’air. On perd patience avec toutes ses grimaces. — Allez dîner, ma fille, lui dis-je, moi qui me sens de la patience, je vais aller voir après elle. »

Nancy, qui a un bel appétit, parut très-satisfaite. Lorsqu’elle est contente, elle devient vraiment agréable. Aussi la pris-je sous le menton ; ce n’est point un penchant immoral chez moi : affaire d’habitude.

Je pris ma canne et partis pour les bancs de sable.

Eh non, nous ne partons pas encore. Je regrette de vous retenir, mais il faut que vous entendiez l’histoire des sables, et celle de Rosanna, par la raison que l’une et l’autre se lient à celle du diamant.

En vérité, je fais de mon mieux pour avancer dans ma narration, et toujours je suis arrêté en chemin ! Mais les gens et les choses semblent surgir pour vous contrarier, tous veulent être pris en considération ; donc, armez-vous de patience, moi je me hâterai, et je vous promets que vous serez bientôt parvenu au plus épais du mystère.

Vous saurez que Rosanna était la seule servante nouvelle de la maison. Environ quatre mois avant les événements que je raconte, Milady étant à Londres alla visiter une maison de refuge, où l’on s’appliquait à moraliser les femmes sorties de prison, pour les empêcher de retomber dans leurs mauvaises habitudes.

La directrice voyant l’intérêt que Milady prenait à l’établissement, lui désigna une jeune fille du nom de Rosanna Spearman, et lui raconta une triste histoire, que je n’ai pas le courage de répéter ici, car je n’aime pas, ni vous non plus sans doute, à chercher les impressions pénibles sans nécessité.